« Inter-préter », rendre présent ce qui est « entre ». Vers une lutherie de la pensée…

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Photo ©A vous de jouer

Je vérifiais ce matin l’étymologie du verbe « interpréter ». Cela vient du latin bien sûr, inter ce qui est entre, et praesto, ce qui est présent. Mais alors, qu’est-ce qui est entre, dans le cas du chant? Eh bien, entre la pensée de l’interprète, et son souffle sonorisé, autrement dit sa parole stylisée par le chant, et son auditeur, il y a son corps, je le dis depuis des années, et c’est le sens du travail que nous menons avec JF Robineau, dans nos stages Geste Vocal.

Donc, interpréter serait, loin des approches psychologiques ou littéraires, que je respecte mais ne pratique pas, incarner le plus justement possible sa pensée.

Mais allons plus loin: si, comme le dit Einstein, « Concernant la matière nous nous sommes trompés. Ce que nous avons appelé matière n’est que de l’énergie qui a ralenti sa vibration pour être perceptible à nos sens » , il existe alors un continuum entre notre pensée, notre souffle et notre voix. Notre pensée s’incarne par le truchement d’un geste vocal certes, mais aussi par la circulation directe de l’énergie organisée, dirigée, canalisée par notre intention dans chacune des parties de notre corps. C’est l’intention qui guide le son, à travers nos creux et nos pleins, nos os, nos organes, nos fascias et méridiens, évidemment, et pour finir notre peau… Et notre auditeur nous perçoit lui-même par l’ensemble des molécules qui le constituent. Nous avons tous fait maintes fois cette expérience. Lorsque nous sommes touché.es par la voix d’un.e chanteur.se, c’est notre corps entier qui est touché par le mouvement des molécules d’air mises en mouvement par le frottement de ses cordes vocales, relayé par chacune des parcelles de son corps! Cette vibration vient frapper notre tympan, certes, mais aussi chaque cm2 de notre enveloppe, et donc nos organes jusqu’aux plus intimes. La « sympathie » que nous inspire une voix n’est pas affaire d’intellect, mais bien de vibration.

 

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Photo @A vous de jouer

Revenons à la parole stylisée, c’est à dire le chant. A l’aune de ses considérations, le rôle du professeur de chant  ne serait donc plus seulement de régler la lutherie des voix, mais aussi celui d’aider à ajuster la pensée poétique et musicale, et l’aspect vibratoire et énergétique, d’envisager une herméneutique vibratoire qui guiderait l’émission vocale. D’où le titre de cet article: vers une lutherie de la pensée…

 

De quelle utilité serait un geste vocal parfaitement réglé s’il n’était au service d’une pensée elle-même dûment organisée? Le travail sur l’intention ne doit donc plus être pensé à la manière  ésotérique, « new-age », ou psychologisante! Il s’agit d’une élaboration de la pensée qui se fait directement vibration, c’est à dire matière ralentie à dessein et organisée pour se faire perceptible aux sens de celles et ceux qui nous écoutent… Accompagner les artistes vers une organisation de plus en plus subtile de leur pensée, et une incarnation vibratoire de celle-ci,  appréhender cette herméneutique de la vibration, ososns le terme, c’est le rôle du luthier de la parole, appelons-le ainsi. Et celui des artistes est, non pas de fixer l’Univers en le décrivant, mais d’en livrer une image 3D, un hologramme instantané, en maniant le Signe, certes, mais aussi la dimension vibratoire du Signe. Au phonème, l’unité de son de base, je propose d’ajouter le psychème, l’unité de pensée qui le précède, et surtout le vibrème, l’unité chargée d’acheminer l’onde à travers les milieux liquides, osseux et aériens qu’elle rencontre. Je n’ai pas fini de réfléchir à tout ça!

 

3 réflexions au sujet de « « Inter-préter », rendre présent ce qui est « entre ». Vers une lutherie de la pensée… »

  1. Je me questionnais si le Baroque ne serait pas un bon modèle comme véhicule? Si on prend certaine considération, que cette période, se présentait en petit ensemble, appeler  »Petits ensembles lumineux ». De même, si on va plus loin dans le passé, au Moyen-Âge nous qualifions la Musique/chant vocal, de  »Sphère céleste ». La culture des voix de garçons, dans les Manécanteries ou dans les grandes écoles d’approche lyrique dans la formation vocale des garçons(Tölzer Knabenchor, Wiener Sangerknaben, Escolania de Montserrat, etc) me  »sauvent » souvent la vie quand je me sens morose, triste. lol

    1. Merci Jean-Paul. Je me demandais en écrivant qui pourrait bien réagir à cet article, et tu as évidemment été le premier! Amitiés

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