Chanter avec des sardes, l’expérience ultime…

Le choeur d'hommes de Bosa (de dos, Luigi Oliva, dit Gigi)
Le choeur d’hommes de Bosa (de dos, Luigi Oliva, dit Gigi)

Résumé des épisodes précédents: lors d’un stage en Sardaigne, votre serviteur, et quelques amis des Glotte-trotters, est invité à assister ET PARTICIPER à la répétition du choeur d’hommes de Bosa, dirigé par le chanteur et musicologue Luigi Oliva. 

Le soir-dit, nous arrivons dans la petite salle voûtée où se déroule la répétition. Au fond, l’inévitable bar, et l’avenant Mario nous sert le tout aussi inévitable verre de vin de bienvenue. ET une fois de plus, ce constat: nous voilà, Laurent, Ambre, Martina, moi-même, accueillis à bras ouvert, invités à un partage humain et musical, dans une culture qu’on dit pourtant rude et peu ouverte. Serait-ce un micro-climat à Bosa? En tous cas, tout au long de notre séjour, nous n’avons rencontré que de la générosité, de l’attention, de l’intérêt, ainsi qu’une grande droiture, une grande exigence sur le plan humain et musical…

Nous écoutons quelques pièces, fascinés par la richesse des timbres, l’homogénéité du groupe, la justesse des accords (non tempérés, bien sûr). Puis, (très grand privilège, nous dira Marina Pittau), nous sommes conviés à partager ce festin vocal! Mario donne l’intonation de sa voix sépulcrale, puis je viens poser la quinte, la voix du contra, sur laquelle vienne s’empiler bogi et contralto. Il s’agit ici d’un texte de 1902, Bosa resuscitada, qui incite les habitants de Bosa à redresser la tête, à l’heure où le village souffre, sur les plans humains et économiques.

« Tenu au chaud » par Mario et Luigi, j’arrive à peu près à faire sonner l’accord, après quelques tentatives. Ce sera beaucoup moins concluant lorsque je tenterai de prendre l’acuto la voix la plus aigue.

Mais ces quelques phrases répétées avec patience et humilité par les sardes me resteront longtemps dans les oreilles et dans le coeur. Nous nous quittons, mais nous nous retrouvons le samedi soir pour un repas dans la cantine du choeur, au cours duquel nous découvrons une autre forme de chant traditionnel, le canto a chitarra , improvisation pour guitariste et chanteur. Stupéfiant encore! La qualité des voix (tous des Pavarotti!), la solidarité entre chanteurs (même s’il s’agit d’une joute verbale, on s’applaudit, on se congratule), et le partage avec le public et entre générations (trois des chanteurs ont moins de trente ans, et ils enlacent avec affection le quatrième, qui doit avoir ses 70 aux fraises, tape encore les La naturel sonores, et vient pourtant s’excuser auprès de nous car il manque de souffle!). 

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Luigi Oliva, chanteur et musicologue

 Enfin, le dimanche matin, nous aurons droit à une présentation savante et passionnante du chant traditionnel par Gigi. Il nous explique que si ce chant a quasiment disparu du Sud de l’île, il est encore très vivace dans la partie centrale, plus montagneuse, et proche de la tradition, et bien sûr au Nord, à Castelsardo, où la pratique du chant religieux à quatre voix d’hommes le Lundi Saint est un rendez-vous  fameux et très couru. 

Je reviendrai à Bosa, j’y ai désormais des amis, et j’ai le sentiment d’y avoir rencontré l’essence du chant: un partage, une envie commune, appuyés sur une tradition, et tournés vers l’autre et l’avenir.

 

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